N° de la décision: 003702
En juin 2010, le Comité exécutif du Fonds de 1992 a pris note du jugement rendu par la chambre criminelle de la cour d’appel de Paris en mars 2010 au sujet des actions au pénal engagées au titre du sinistre de l’Erika, faisant suite aux appels formés contre le jugement rendu par le tribunal pénal de première instance de Paris en janvier 2008. Le Comité a noté que la cour d’appel avait confirmé le jugement du tribunal pénal de première instance qui avait décidé qu’étaient pénalement responsables du délit de pollution les parties indiquées ci-après: le représentant du propriétaire de l’Erika (Tevere Shipping), le Président de la société gestionnaire (Panship Management and Services Srl), la société de classification (Registro Italiano Navale (RINA)) et Total SA. Il a aussi noté que la cour d’appel avait confirmé les amendes imposées par le tribunal pénal. Pour ce qui concerne les responsabilités civiles, le Comité exécutif a noté que la cour d’appel avait émis l’arrêt suivant: – le représentant du propriétaire immatriculé de l’Erika était un ‘mandataire du propriétaire’ aux termes de l’article III, 4 a) de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile et que, même si à ce titre, il avait le droit en théorie de bénéficier des dispositions de canalisation de cette même Convention, il s’était comporté témérairement et en ayant conscience qu’un tel dommage en résulterait probablement, ce qui le privait de protection dans ces circonstances. La cour d’appel avait par conséquent confirmé le jugement porté sur sa responsabilité civile; – le Président de la société gestionnaire (Panship) était l’agent d’une société qui assurait des services pour le navire (article III, 4 b)) et à ce titre n’était pas protégé par les dispositions de canalisation de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile; – la cour d’appel a jugé que la société de classification (RINA) ne pouvait pas être considérée comme une ‘personne qui s’acquitte de services pour le navire’ selon la définition de l’article III, 4 b). La cour a jugé que, en délivrant des certificats statutaires et de sécurité, la société de classification avait agi en tant que mandataire de l’État maltais (l’État du pavillon). La cour a également jugé que RINA, la société de classification, aurait pu invoquer l’immunité de juridiction, de même que l’État maltais, mais qu’en l’espèce, elle était considérée comme ayant renoncé à cette immunité puisqu’elle ne l’avait pas invoquée antérieurement dans la procédure; – la cour d’appel a considéré que Total SA était l’affréteur ‘de facto’ de l’Erika et pouvait par conséquent bénéficier des dispositions de canalisation de l’article III, 4 c) de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile, étant donné que l’imprudence commise lors de l’habilitation de l’Erika ne pouvait être considérée comme ayant été commise dans l’intention de causer un dommage par pollution, ou témérairement ou en ayant conscience qu’un tel dommage puisse en résulter. La cour a donc jugé que Total SA pouvait bénéficier des dispositions de canalisation prévues par la Convention de 1992 sur la responsabilité civile et n’était donc pas responsable au civil. Elle a aussi décidé que les versements volontaires effectués par Total SA aux parties civiles, notamment au Gouvernement français, à la suite du jugement du tribunal pénal, étaient des versements définitifs qui ne pouvaient être récupérés auprès des parties civiles. Le Comité exécutif a noté que dans son arrêt la cour d’appel avait accepté non seulement les dommages matériels (opérations de nettoyage, de remise en état et dommages aux biens) et les préjudices pécuniaires, mais aussi les préjudices moraux résultant de la pollution, tels que notamment privation de jouissance, atteinte à la réputation et à l’image de marque et préjudice moral découlant des dommages causés au patrimoine naturel. Le Comité a aussi noté que la cour d’appel avait accepté le droit à indemnisation pour les dommages strictement écologiques, c’est-à-dire les dommages causés aux ressources environnementales non commercialisables qui représentent un intérêt collectif légitime, et que la cour avant jugé qu’il suffisait que la pollution ait touché le territoire d’une collectivité territoriale pour que cette dernière ait droit à être indemnisée au titre des préjudices directs ou indirects subis du fait de la pollution. Il a été noté de plus que la cour d’appel avait accordé des indemnités pour des dommages strictement écologiques aux collectivités territoriales et aux organisations écologiques. Le Comité exécutif a noté qu’environ cinquante parties, y compris le représentant de Tevere Shipping, RINA et Total SA avaient formé un pourvoi en cassation devant la Cour de cassation, juridiction suprême française.