N° de la décision: 003530

En octobre 2008, le Comité exécutif du Fonds de 1992 a noté que le 24 juin 2008 la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt concernant trois questions qui lui avaient été posées par la cour de cassation française concernant une action intentée par la commune de Mesquer à l’encontre de Total SA devant les tribunaux français dans le contexte du sinistre de l’Erika. Il a été noté que la cour de cassation française avait renvoyé devant la CJUE les trois questions suivantes : 1. Le fuel-oil transporté en cargaison à bord de l’Erika constituait-il en fait un déchet au sens de la législation européenne? 2. Une cargaison de fuel-oil accidentellement échappée d’un navire pouvait-elle, se retrouvant mélangée à de l’eau de mer ainsi qu’à des sédiments, être considérée comme un déchet au sens où l’entend la législation européenne ? 3. Si la cargaison à bord de l’Erika n’était pas un déchet mais en devenait un après s’être accidentellement échappée du navire, les sociétés du groupe Total seraient-elles considérées comme responsables de ce déchet, en vertu de la législation européenne, même si la cargaison était transportée par un tiers ? Il a été rappelé qu’en mars 2008, l’avocate générale de la CJUE avait émis un avis juridique sur ces trois questions, déclarant notamment que le fuel-oil lourd devait être qualifié de déchet au sens de la directive 75/442/CEE relative au déchet lorsqu’il se déverse de manière accidentelle et se retrouve mélangé à de l’eau ainsi qu’à des sédiments, mais que cette disposition de la législation européenne était, à son avis, compatible avec les dispositions de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile et de la Convention de 1992 portant création du Fonds. Le Comité exécutif a pris note des conclusions de la CJUE qui pourraient se résumer ainsi : 1. Le fuel-oil transporté à bord de l’Erika ne constitue pas un déchet au sens de la directive 75/442/CEE du 15 juillet 1975 relative aux déchets, telle que modifiée par la décision 96/350/CE du 24 mai 1996 de la Commission européenne. 2. Une cargaison de fuel-oil qui s’échappe accidentellement d’un navire pourrait, une fois mélangée à l’eau de mer et aux sédiments, être considérée comme un déchet au sens de la directive. 3. L’Union européenne n’était pas liée par les Conventions de 1992, puisqu’elle ne les avait pas ratifiées. La directive relative aux déchets ne comportait aucune disposition stipulant expressément qu’elle ne s’appliquait pas aux sinistres ni aux activités dont la responsabilité ou l’indemnisation était du ressort desdites Conventions. Le tribunal national pouvait considérer le vendeur de ces hydrocarbures et l’affréteur du navire qui les transportait comme l’entité qui a produit les déchets au sens de ladite directive, et de ce fait comme un ‘détenteur antérieur’ aux fins d’application de la directive, si le tribunal parvenait à la conclusion que le vendeur/affréteur avait contribué au risque que la pollution causée par le naufrage du navire entraînerait, en particulier s’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour prévenir un tel sinistre, telles que les mesures concernant le choix du navire. La directive relative aux déchets n’empêche pas les États membres de l’Union européenne de stipuler, conformément aux engagements internationaux souscrits en la matière, tels que la Convention de 1992 sur la responsabilité civile et la Convention de 1992 portant création du Fonds, que le propriétaire du navire et l’affréteur peuvent répondre des dommages causés par le déversement d’hydrocarbures en mer uniquement jusqu’à certains montants. La directive n’exclut pas non plus qu’un fond d’indemnisation, tel que les FIPOL, ayant des ressources limitées à un montant maximal pour chaque sinistre, n’assume la responsabilité, conformément à ces engagements internationaux, au lieu et place du ‘détenteur’ au sens de la directive, des frais relatifs à l’élimination des déchets résultant des hydrocarbures déversés accidentellement en mer. Si le coût de l’élimination des déchets produits par un déversement accidentel d’hydrocarbures en mer n’est pas pris en charge par le Fonds de 1992, et si, en vertu des limitations et/ou exonérations de responsabilité précisées, la législation nationale d’un État Membre, y compris la législation issue des accords internationaux, empêche que le coût soit à la charge du propriétaire du navire et/ou de l’affréteur, alors même qu’ils sont considérés comme des ‘détenteurs’ au sens de la directive, pour garantir que la directive soit correctement transcrite, une telle législation nationale devra prendre des dispositions pour que ce coût soit à la charge du producteur du produit générateur des déchets. En accord avec le principe du ‘pollueur payeur’, un tel producteur ne pourrait pas être responsable de ce coût, sauf s’il a contribué par sa conduite au risque que la pollution causée par le naufrage entraînerait. Le Comité exécutif a pris note de l’opinion de l’Administrateur selon laquelle bien qu’il soit prématuré d’aboutir à une conclusion quant aux éventuelles incidences que l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne pourrait avoir sur la Convention de 1992 sur la responsabilité civile et sur la Convention de 1992 portant création du Fonds, il semblait que ledit arrêt ait pris en compte tous les engagements internationaux souscrits en la matière par les États membres de l’UE, y compris lesdites Conventions de 1992, et que, par conséquent il n’ait pas, semble-t-il, d’incidence sur l’applicabilité de ces dernières.

Date: 31.05.2008
Catégories: Applicabilité des Conventions, Actions en justice
Subjects: Dispositions de canalisation en vertu de l’article III.4 des Conventions de 1969 et 1992 sur la responsabilité civile, Jugements relatifs aux dispositions de canalisation de l’article III.4 c) de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile